Les embauches s’effondrent sous la pression d’une automatisation galopante. Une mutation qui interroge profondément la valeur du travail humain dans les années à venir.
« Nous sommes la dernière génération de dirigeants à gérer uniquement des humains. À l’avenir, chaque PDG devra piloter à la fois des équipes humaines et des agents d’intelligence artificielle », déclarait Marc Benioff, PDG de Salesforce, en janvier dernier lors d’un panel du Forum économique mondial à Davos.
Cette déclaration n’a rien d’un scénario de science-fiction. Elle incarne la transformation profonde que l’intelligence artificielle impose déjà au monde du travail aux États-Unis. Portées par la promesse d’une productivité accrue, de nombreuses entreprises accélèrent en effet leur transition vers l’IA.
Des cabinets de conseil comme PwC aux mastodontes de la distribution tel Walmart, en passant par Ford, toutes adoptent le même credo : aucune alternative n’existe face à cette technologie en plein essor, dont l’étendue des promesses reste pourtant encore à découvrir.
La vague est si puissante qu’elle fragilise même les acteurs jugés trop lents à l’adopter. Le groupe Accenture, par exemple, a vu son action plonger d’un tiers depuis le début de l’année, comme le relève Le Monde dans un article récent.
Un fossé croissant entre qualification et emploi
Résultat : le marché de l’emploi traverse une période d’atonie sans précédent – un calme tendu, reflet des incertitudes d’une ère où l’humain et la machine apprennent à cohabiter.
Selon l’analyse du marché du travail publiée par l’Office national de la sécurité sociale (ONSS) pour le premier trimestre 2025, relayée par le rapport sectoriel du Forem, le volume global d’offres d’emploi a chuté d’environ un tiers en un an. Cette contraction marque l’un des reculs les plus significatifs observés depuis la fin de la pandémie.
Les grandes entreprises ralentissent désormais leurs recrutements tout en consolidant leurs équipes techniques, chargées d’intégrer et de superviser les nouveaux systèmes basés sur l’intelligence artificielle. Elles privilégient la requalification plutôt que l’expansion des effectifs.
L’humain face au compte à rebours technologique
Accenture a ainsi récemment confirmé son intention de se séparer des collaborateurs dont la requalification dans les métiers liés à l’IA ne s’avère pas viable. Le symbole d’un changement radical d’un marché où la technologie définit désormais la hiérarchie des compétences.
« L’intelligence artificielle commence tout juste à se diffuser sur le marché du travail. D’ici dix-huit à trente-six mois, son impact sera bien plus marqué », avertissait Ronnie Chatterji, économiste en chef d’OpenAI, lors d’une conférence organisée par Walmart en juin, citée par The Wall Street Journal.
Cette projection suscite de nombreuses interrogations : que deviendra la force de travail humaine si toutes les entreprises généralisent l’automatisation ? Une étude du Yale Budget Lab, publiée ce mois-ci, relativise toutefois ce scénario en précisant que « les transformations technologiques à grande échelle sur les lieux de travail s’étendent généralement sur plusieurs décennies, plutôt que sur quelques mois ou années ».
