Alors que l’industrie technologique connaît un essor sans précédent grâce à l’intelligence artificielle, les entreprises réduisent paradoxalement leurs effectifs. Une tendance inquiétante pour le marché du travail américain, d’après certains observateurs.
Le mardi 13 mai, Microsoft annonçait une vague de licenciements touchant 3% de ses effectifs dans le monde, soit environ 6 000 personnes. Objectif déclaré par l’entreprise : réduire les niveaux de management, alors que les résultats sont au beau fixe.
Le géant des logiciels a en effet déclaré 25,8 milliards de dollars de bénéfice net trimestriel, soit des chiffres bien supérieurs aux prévisions, selon le site d’information CNBC. Cette restructuration, la plus importante annoncée par le groupe depuis janvier 2023, intrigue donc par son timing.
Comment en effet licencier en période de prospérité ? La réponse réside dans l’intelligence artificielle (IA).
Comme l’explique Molly Kinder, chercheuse à la Brookings Institution spécialisée dans l’étude de l’IA et du travail, selon Bloomberg, « les licenciements de Microsoft dans l’ingénierie logicielle et les rôles liés à l’intelligence artificielle sont un indicateur de la façon dont l’IA générative commence à remodeler le travail ».
Une tendance grandissante
Le codage, en première ligne de l’intégration de l’IA dans les entreprises technologiques, subit de plein fouet les licenciements. Mais cette transformation dépasse le cadre du codage ou même de Microsoft, comme en témoignent quelques exemples récents sur le marché du travail américain.
Bloomberg cite ainsi le spécialiste des solutions de gestion et de comptabilité Intuit, la plateforme de voyage Expedia, le géant agroalimentaire Coca-Cola ou encore l’éditeur logiciel Palantir, qui ont tous évoqué ces derniers mois des gains de productivité dus à l’intelligence artificielle.
« Je pourrais soutenir que nous avons vu le pic d’emploi dans les Magnificent 7« , déclare à Bloomberg Jeffrey Bussgang, capitaliste-risqueur chez Flybridge Capital Partners, en référence aux sept plus grandes entreprises technologiques américaines par capitalisation boursière.
« Nous pourrions voir que toutes ces entreprises ne feront plus jamais croître leurs effectifs. Qu’elles feront simplement croître leurs revenus de 20 à 30% par an avec des effectifs stables« , avance-t-il.
Une adoption appelée à s’accélérer
Cela suggère un découplage fondamental entre croissance économique et création d’emplois, ce qui remet en question des décennies de théorie économique. Le phénomène devrait même s’accélérer en raison de l’incertitude géopolitique et économique mondiale, notamment autour des tarifs douaniers et des politiques macroéconomiques.
« En parlant avec des entreprises technologiques, j’ai entendu à plusieurs reprises des discussions sur la réduction de l’embauche ou des effectifs absolus à cause de l’IA. La situation macro va absolument empirer cela. Le sentiment des entreprises a chuté avec le chaos tarifaire et l’agitation plus large du DOGE (la structure créée pour Elon Musk afin de réduire les dépenses fédérales). Donc les entreprises ralentissent leurs embauches« , indique Nicholas Bloom, économiste à l’Université de Stanford, interrogé par Bloomberg.
Si l’intelligence artificielle s’avère capable d’automatiser le travail à bas coût, encouragée par la réticence des entreprises à embaucher face à l’incertitude, les conséquences pour l’emploi pourraient être considérables.