Deux exploitants de parcs éoliens ont récemment subi de lourdes sanctions judiciaires pour avoir causé la mort d’espèces protégées. Un motif d’inquiétude pour une filière nécessaire à la transition écologique.
Le tribunal de Montpellier a eu la main lourde. Le 7 avril dernier, EDF Renouvelables et neuf de ses filiales étaient condamnées à 500 000 euros d’amende chacune. L’ancien PDG Bruno Bensasson a lui écopé de six mois de prison avec sursis et de 100 000 euros d’amende.
Deux jours plus tard, le même tribunal sanctionnait Energie Renouvelable du Languedoc à 200 000 euros d’amende. La justice a également ordonné l’arrêt des 31 éoliennes d’Aumelas – situé dans l’Hérault – pendant quatre mois et la suspension pour un an de l’activité du parc de Bernagues.
À l’origine de ces sanctions judiciaires, la mort de nombreuses espèces protégées causée par les installations éoliennes des deux exploitants. Dans le cas du parc d’Aumelas, il s’agit de 160 individus d’espèces protégées, dont des faucons crécerellettes et des chauves-souris.
Pour Energie Renouvelable du Languedoc, filiale du groupe Valeco, sa responsabilité a été établie dans la mort en janvier 2023 d’un aigle royal, mâle reproducteur d’un couple nichant à proximité de ses éoliennes sur le massif de l’Escandorgue.
Des verdicts diversement appréciés
Pour les organisations environnementales à l’origine des contentieux, ces décisions marquent un tournant. « Ce sont des décisions historiques. C’est un bon signal adressé aux développeurs, qui vont sans doute prendre davantage en compte les avis des scientifiques et de la société« , se félicite Cédric Marteau de la Ligue pour la protection des oiseaux, dans les colonnes du Monde.
Selon Simon Popy, président de France Nature Environnement Occitanie-Méditerranée cité par le quotidien du soir, cela devrait rappeler « aux développeurs éoliens l’obligation d’évaluer sincèrement les conséquences environnementales de leurs projets et d’obtenir les autorisations adéquates ».
Mais ces verdicts n’agréent bien évidemment pas tout le monde. Côté industriels, c’est la consternation. Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables, s’alarme toujours auprès du Monde, « d’un droit de l’environnement très strict qui s’applique avec une sévérité particulière aux énergies renouvelables ».
Le nœud juridique de la dérogation « espèces protégées »
« Les développeurs et les investisseurs risquent de ne plus rien oser faire en France« , ajoute-t-il. Au cœur du débat se trouve une question juridique fondamentale : l’obligation de demander une dérogation pour détruire des espèces protégées. Une démarche ignorée dans les deux cas condamnés.
« On est passé d’une interprétation très souple à une interprétation plus stricte. En 2022, le Conseil d’État a dit que dès qu’un individu était menacé, il fallait une dérogation », affirme le juriste Arnaud Gossement, avocat de producteurs d’énergie renouvelable, pointant un flou persistant.
Pour d’autres experts, le problème n’est pas tant le droit que son application. « Il y a une appréhension incorrecte du droit par une grande partie des préfets« , explique Dorian Guinard, maître de conférences à l’université Grenoble-Alpes. Julien Bétaille, de l’université Toulouse Capitole, évoque quant à lui « une culture de l’esquive en matière d’environnement« .