Alors que la qualité atmosphérique se dégrade dans la capitale indienne, les autorités choisissent d’ajuster les statistiques plutôt que de combattre ce mal aux conséquences pourtant mortelles.
De récentes enquêtes mettent en cause les agences publiques indiennes, accusées de falsifier les données sur la qualité de l’air à New Delhi, alors que celle-ci se dégrade jour après jour, faisant du pays l’un des plus pollués de la planète selon les normes de l’OMS.
Le 25 novembre dernier, à 4 heures du matin, l’indice moyen de qualité de l’air (AQI) de la capitale atteignait 751, soit plus de sept fois la limite de 100 considérée comme acceptable. Pour mieux saisir l’ampleur du problème, respirer l’air de Delhi reviendrait aujourd’hui à fumer quinze cigarettes quotidiennes, soit environ 453 par mois pour chaque habitant.
Plutôt que d’affronter la crise, les autorités ont préféré la maquiller en projetant de l’eau à proximité immédiate des stations de mesure, une manière de donner l’illusion d’une atmosphère plus saine.
Comme l’explique l’environnementaliste Vimlendu Jha, cité par mathrubhumi.com, asperger directement les capteurs peut temporairement réduire les niveaux enregistrés de pollution en piégeant les particules fines PM2.5 et PM10.
Sprinklers et supercherie : la fraude mise en scène
L’un des exemples les plus flagrants de cette manipulation se trouve à Jahangirpuri, un quartier populaire du nord de Delhi. Des reportages de Newslaundry et de Media India Group y ont documenté les interventions de camions-citernes dépêchés par le service des travaux publics.
Pourtant, les tas de graviers et de poussière alentour restaient intacts. Les conducteurs ont confirmé effectuer ces passages deux fois par jour, comme exigé, mais selon plusieurs témoins, ces arrosages ne concernaient que les abords des capteurs, les commerces et habitations voisines n’en bénéficiaient jamais.
Pour Verhaen Khanna, de la New Delhi Nature Society, ces pratiques relèvent d’une véritable « fraude scientifique ». « Ce n’est pas seulement une manipulation de données, c’est une forme de gaslighting à l’égard de citoyens qui voient déjà leur espérance de vie diminuée par la pollution », a-t-il déclaré à mathrubhumi.com.
Des promesses creuses à la défiance généralisée
Ce scandale s’ajoute à une longue liste de mesures dites “cosmétiques”, régulièrement dénoncées par les observateurs. Les formations au pouvoir à Delhi, qu’il s’agisse du BJP ou de l’AAP, sont accusées de privilégier la communication au détriment des solutions durables.
Même les dispositifs onéreux, comme l’ensemencement de nuages censé provoquer des pluies purificatrices, se terminent en fiascos retentissants, sans impact réel sur la qualité de l’air. « Chaque dispositif factice, chaque étang artificiel, c’est un peu plus de confiance qui s’évapore », déplore Verhaen Khanna.
Parallèlement, près de 44 % des eaux usées continuent à se déverser sans traitement dans la Yamuna, rivière sacrée du nord de l’Inde, tandis que plusieurs stations d’épuration demeurent à l’arrêt.
